C'est l'histoire de la vie!
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Tous les habitués de l'école de combat d'Amakna connaissent Li Shu Gen. Pour certains, ce Pandawa sage et bedonnant n'est qu'un maître d'armes comme un autre, mais ceux qui ont un jour cherché à se dépasser, à trouver leur voie, savent qu'avant d'être un guerrier, c'est un philosophe qui apporte de précieux conseils à ceux qui sont à la recherche de réponses. De ce qu'on en sait, il est né d'un couple de Pandawas qui tenaient une auberge près de la frontière avec Astrub. Leur commerce tournait bien, leur lait de bambou était un régal et ils élevaient leur fils dans un cadre idyllique. Gen se découvrit très vite une passion pour l'aventure et le combat à force de fréquenter tous les aventuriers qui passaient dans le coin, il avait très peu d'amis de son âge cependant. Au fil du temps, il développa un caractère téméraire et devint une vraie tête brûlée, n'hésitant pas à défier des clients de la taverne pour des duels amicaux. Armé de son bâton en bambou, il passa son adolescence à perfectionner sa technique et il progressait à chaque combat, sous le regard de ses parents qui éprouvaient un mélange d'inquiétude et de fascination pour leur fils qui allait certainement partir du jour au lendemain à l'aventure.
Aux alentours de ses seize ans, Gen faisait preuve de compétences de combat remarquables pour son âge et ingurgitait des litres de lait de bambou au point de s'en rendre malade. Un beau jour, après une dizaine de tournées de lait de bambou, il eut l'audace de défier un Ecaflip qui lui semblait très fort au vu de l'arme qu'il portait : Une Griffe Rose, une épée que seuls les guerriers suffisamment expérimentés peuvent porter. Le défié refusa la première fois, mais Gen lui proposa un pari dont l'Ecaflip donnerait les termes. Et pour être sûr que l'accord soit respecté, il fut écrit sur un parchemin que Gen dut lire, mais l'alcool et la hargne lui firent oublier presque immédiatement les conséquences de sa défaite.
Les deux hommes sortirent et il suffit de quelques coups à l'Ecaflip pour désarmer Gen et le mettre au sol alors qu'il n'avait pas eu l'occasion de porter le moindre coup. Le vainqueur partit chercher son havresac dans la taverne, paya l'addition et reprit sa route, laissant le Pandawa s'évanouir à cause de l'alcool.
Il dormit pendant une journée environ, et, à son grand étonnement, se réveilla sans la gueule de bois habituelle. Il ne découvrit que plus tard le papier contenant les termes du pari, il aurait pu gagner la Griffe Rose s'il avait remporté le duel, mais il était vaincu, et à cause de cela, tout l'alcool qu'il ingurgiterait à l'avenir aurait les mêmes effets que de l'eau. C'était ça, la force des Ecaflips, il pouvaient parier et faire parier n'importe quoi, de la bourse de kamas à la mémoire d'un individu, et ils gagnaient ces paris sans une once de triche. Ce ne fut pas la colère qui emplit Gen à ce moment-là, c'était la honte, pas la honte d'avoir perdu, mais la honte d'avoir été suffisamment stupide pour relever un défi dont la réussite était hors de portée. Les jours qui suivirent, il passa beaucoup de temps dans les champs, à contempler le ciel et à méditer sur ses actes. Certains jours, il ne mangeait rien, il se contentait de boire dans un puits, car il savait que l'alcool ne lui apporterait rien. Il se décida au bout d'une semaine à partir de son foyer. Il y avait une île près de la frontière entre Amakna et Sufokia où peu de monde passait, un endroit idéal pour méditer et rallumer le brasier ardent qui s'était éteint dans son cœur. Il ne reviendrait que lorsqu'il se sentirait prêt, ça pouvait prendre un mois comme un voire dix ans, il ne savait pas, mais il savait qu'il trouverait un but à sa vie.
Les premiers jours furent compliqués, il s'était construit un abri de fortune qu'on pouvait à peine appeler une cabane, et il devait s'empêcher de vider le contenu de son tonneau qu'il gardait pour d'éventuels combats. Un mois passa, quelques voyageurs venaient sur l'île sans trop faire attention à ce jeune Pandawa qui se construisait une petite maison et cultivait son corps près d'une falaise au bord de l'île. À chaque coucher de soleil, il méditait sur la souche d'un arbre mort non loin de sa cabane jusqu'à ce que la lune se lève. Il observait alors le ciel étoilé et s'endormait paisiblement, son habitation ne lui servant que lors des jours de pluie. Le goût du lait de bambou lui manquait, mais cela ne servait à rien d'en boire, il ne sentirait plus jamais le goût de cette boisson et l'ivresse qui en résultait. Au bout de trois ans d'entraînement, il développa une magnifique musculature qui le rendait imposant et lui permettait sans problème de briser un tronc de d'arbre avec ses poings. Les gens aux alentours de l'île savaient tous qu'un Pandawa y vivait en ermite, et qu'il était un redoutable combattant. Son train de vie lui plaisait, il vivait au calme, à l'abri des bruits de la ville et des soucis de la vie en société, ses parents envoyaient des lettres qui arrivaient par un facteur à dos de dragodinde, aussi, ils ne lui manquaient pas, ils se portaient bien et il s'en réjouissait.
Gen passa encore cinq ans sur sa colline, à améliorer sa technique encore et encore, il possédait quelques bouftous qui lui fournissaient du lait et de la laine. Il avait aussi amené une pousse de bambou au début qui lui avait permis de cultiver des plants. Et un jour, un jeune Iop de Sufokia qui avait entendu parler de l'ermite-guerrier sur son île vint le trouver pour le défier en duel. Le Pandawa eut l'impression de se voir huit ans auparavant, il avait la même fougue, la même soif de combat et de grandeur que lui. Gen accepta le duel, sans poser aucune condition contrairement à l'Ecaflip, sa seule récompense serait de voir à quoi ces années d'entraînement avaient abouti. S'il perdait, tant pis, il apprendrait de ses erreurs, mais s'il gagnait, il serait peut-être temps de songer à revenir dans le monde pour exploiter ce qu'il avait appris.
Le duel fut similaire à celui contre l'Ecaflip à la Griffe, le Iop se retrouva désarmé très rapidement, mais contrairement au duel d'il y a huit ans, il incita son adversaire à continuer le combat, même s'il devait le terminer à mains nues, aussi, le duel dura jusqu'au crépuscule où son jeune opposant s'écroula de fatigue. Gen était heureux d'avoir pu combattre comme cela, cette soif de combat qu'il avait longtemps cherché à retrouver venait de se manifester, mais pas sous une forme à laquelle il se serait attendu. Il était désireux d'aider les guerriers en herbe à progresser, à devenir toujours plus forts. Le Pandawa installa son adversaire vaincu dans la cabane, il ne pouvait deviner quelle réaction il aurait à son réveil mais il partit avec une barque qu'il avait conçue avec des planches dont il n'avait pas eu l'utilité jusqu'à présent, et laissa l'embarcation qui avait amené le Iop là où elle était. Peut-être que ce jeune rouquin allait devenir comme lui, ou peut-être qu'il allait continuer à se battre contre des adversaires plus forts que lui jusqu'à les dépasser. Dans tous les cas, il savait que ce gamin deviendrait puissant d'une façon ou d'une autre.
Lorsque Gen rentra à Amakna, il s'installa en ville et proposa ses services en tant que maître de combat, et fit ses preuves en formant des combattants qui, au fil des ans, furent promus à des grades élevés au sein de l'armée amaknéenne. Le Pandawa n'eut jamais la prétention d'être le meilleur, il savait même que ses élèves le dépassaient tous après quelques années d'apprentissage, et c'est cette humilité qui faisait sa force car il avait appris de ses erreurs et ne chercherait plus jamais à prouver qu'il est le plus fort.
Dix-huit ans ont passé depuis, Li Shu Gen est devenu un Pandawa bedonnant, affublé d'une longue barbe noire, portant un chapeau en bois de bambou et orné de laine de bouftou sur son contour, dont seule une cassure laisse passer la lumière sur son visage et ses yeux dorés emplis de sagesse. Armé de son bâton en bambou, il est un des meilleurs maîtres d'armes d'Amakna et, même s'il ne semble être qu'un gros Pandawa versé dans la méditation, il dispose d'une force suffisante pour mettre à terre le premier idiot venu. La malédiction est toujours présente et jamais il n'a consommé de lait de bambou pour autre chose que ses techniques flamboyantes. Li Shu Gen sait qu'une menace plane sur sa nation, et si jamais il doit prendre les armes, il écrasera le moindre ennemi qui se mettra en travers de son chemin.